Être une femme politique : enjeux et perspectives
Regards croisés d’élues locales tunisiennes et européennes
Le Café des élues
Être une femme politique : enjeux et perspectives
Regards croisés d’élues locales tunisiennes et européennes
Le rôle des femmes dans la sphère publique, et notamment politique, est un enjeu partagé par les deux rives de la Méditerranée. C’est pourquoi, dans le cadre du Forum international sur l’égalité des genres, qui s’est tenu du 24 au 26 avril à Tunis, le Congrès du Conseil de l’Europe, l’Association européenne pour la démocratie locale (ALDA), Actions In the Mediterranean (AIM), le programme Moussawat financé par l'Union européenne et la Délégation de l’Union européenne à Tunis ont organisé une rencontre entre élues locales tunisiennes et européennes.
En Tunisie, la constitution de 2014 oblige l’État à garantir la représentativité des femmes dans les assemblées élues. Cela passe par la parité des candidatures, inscrite dans la loi électorale. Lors des élections municipales de mai 2018, il y a ainsi eu 49 % de candidates.
Mais, en complément de l’action des pouvoirs publics et de l’adoption du cadre légal nécessaire, la solidarité (nationale et au-delà) entre femmes et le renforcement de leurs capacités sont essentiels pour continuer à avancer vers une meilleure représentativité. En effet, lors des mêmes élections, seulement 30 % des listes étaient dirigées par des femmes. Au final, elles ne représentent que 20 % des maires des communes tunisiennes, alors qu’elles constituent 47 % des conseils municipaux. Des chiffres toutefois meilleurs qu’en France où moins de 15 % des maires et 40 % des conseillers municipaux sont des femmes.
L’objectif de cette rencontre était de réunir des femmes politiques issues de contextes socioéconomiques, culturels et politiques différents pour échanger sur les défis et les enjeux de leur participation politique dans des sociétés en constante recomposition.
La diversité des profils (âge, contextes politique, social, culturel et linguistique, rapport à la décentralisation, rôle des femmes dans l’espace public, etc.) et des expériences partagées par les élues des deux rives a mis en lumière un socle commun de défis dont l’ampleur varie en fonction des contextes.
En Europe comme en Tunisie, le chemin vers une parfaite parité est encore long. Le poids de siècles de domination masculine est toujours visible à travers les préjugés et les comportements qui handicapent le parcours des élus et dissuadent beaucoup de femmes de jouer un plus grand rôle dans la société.
Par ailleurs, la conciliation entre vie privée et vie professionnelle constitue un obstacle supplémentaire à l’engagement des femmes en politique, sur fond de persistance des modèles patriarcaux dans de nombreux pays. Si le soutien de leur famille est déterminant, ces élues, souvent mères, choisissent de se débrouiller seules pour éviter toute confrontation et pression. Elles protègent autant que faire se peut leur liberté de mouvement et d’action au prix d’un emploi du temps extrêmement lourd, ce qui n’est pas sans conséquence sur leur santé.
Ces constats partagés par les élues européennes et tunisiennes montrent l’importance de l’intégration du genre de manière transversale, à commencer par les municipalités, encore majoritairement dominées par des hommes. Il apparaît nécessaire d’investir dans la sensibilisation et la formation de tous les élus pour favoriser, dès le départ, un processus de décentralisation intégrant le genre, les inégalités et les rapports sociaux. À cela s’ajoute l’acquisition d’un ensemble de connaissances liées aux technologies de l’information et de la communication et au réseautage, afin de favoriser les échanges d’expérience à grande échelle.
Dans ce contexte, les participantes au Café des élues ont exprimé le besoin d’être outillées et accompagnées pour faire face aux discriminations. Alors que le processus de décentralisation est en cours et que les élections législatives et présidentielles tunisiennes se rapprochent à grands pas, ces femmes politiques doivent travailler davantage que leurs homologues masculins pour se faire une place.
Elles en appellent aux institutions internationales (ONU, PNUD, UE, COE) pour soutenir et étendre les programmes de renforcement des capacités des femmes et d’échange d’expérience.
Les élues tunisiennes :
- Nabiha Mrabet: Vice-maire de la municipalité de Kebili, Gouvernorat de Kebili, Rapporteure de la Commission Femmes, Famille et Egalité des sexes, Rapporteur de la Commission Développement et Investissement et Membre de la Commission Tourisme et Patrimoine
- Khaoula Mahfoudhi : élue locale, municipalité de Menzel Bourguiba – Gouvernorat de Bizerte
- Hajer Hibar : Vice-maire de la municipalité de Jammel – Gouvernorat de Monastir
- Latifa Tajouri : élue locale, municipalité de la Marsa – Gouvernorat de Tunis
- Amri Ichrak : élue locale, municipalité de Korbous, gouvernorat de Nabeul
- Amel Bouzaiene : Présidente de la commission de la formation, de l'emploi et le Développement local, Tunis
- Saida Ayachi : Membre de la commission de l'égalité et l'égalité des chances, Raoued
- Henda Belhadj Ali, Présidente de la commission de l'égalité et l'égalité des chances, Tunis.
Les élues européennes :
- Carla Dejonghe : députée de la région de Bruxelles-Capitale, membre de la Chambre des Régions du Congrès, Belgique
- Constance De Pelichy : Maire de la Ferté-Saint-Aubin, Porte-parole du Congrès sur le Partenariat Sud-Med, France
- Gudrun Mosler Törnström : ancienne Vice-présidente du Parlement du land de Salzbourg, ancienne présidente du Congrès, Conseillère municipale de Puch, Autriche
- Mariya Voyvodova : conseillère municipale de Göteborg, Suède
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